RSE : face à l'omnibus et au backlash, la résistance s'organise dans les entreprises

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Dans cet article de Novethic du 23 avril 2025

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Les actions du collectif sont mises en avant

Face à Trump ou à l'omnibus, la RSE est attaquée de toute parts. Pourtant, les acteurs sur le terrain résistent et maintiennent le cap, malgré les vents contraires. Et si l'Europe devenait le bastion de la résistance ?

Depuis plusieurs mois maintenant, les acteurs de la RSE (Responsabilité sociale des entreprises) sont face à une crise profonde. Avec la proposition d'omnibus au niveau européen qui vise à "simplifier" plusieurs normes, l'élection de Donald Trump et la montée des populismes, l'action des entreprises en matière de transition écologique et sociale est désormais l'objet de toutes les attaques, et les reculs s'accumulent dans tous les domaines : action climatique, biodiversité, diversité et inclusion...

"L'ambiance s'est beaucoup refroidie, et tout est perturbé par ce backlash généralisé", commente ainsi auprès de Novethic Fabrice Bonnifet, président du Collège des Directeurs du Développement Durable (C3D), qui rassemble près de 400 entreprises engagées dans la transformation durable. Certains acteurs continuent toutefois de se mobiliser pour défendre les ambitions d'une véritable transformation durable des acteurs privés. Au sein du C3D, "les ambitions et les politiques RSE restent en place, et la dynamique se maintient", assure Fabrice Bonnifet. "Le contexte est même en train de créer un mouvement de résistance dans le milieu, pour défendre les acquis des dernières décennies", ajoute-t-il.

"Incarner un rêve européen par opposition au rêve américain"

Un responsable du développement durable d'une grande entreprise française explique ainsi à Novethic : "pour des raisons politiques, on parle moins de nos actions en matière de décarbonation ou de diversité, mais en coulisses, les équipes continuent à s'investir à fond et on ne lâche rien". Plusieurs avouent, sous couvert d'anonymat, être mal à l'aise avec le contexte global de remise en cause de la RSE, que ce soit dans ou hors de leur organisation, mais tentent malgré tout de maintenir le cap engagé. "C'est déprimant, et parfois on se demande pourquoi on travaille si tout le monde s'arrête autour de nous, mais on ne va pas remettre en cause nos objectifs et on assume", commente de son côté Mélissa Saint-Fort, directrice RSE au sein de TF1. Hasard du calendrier, le groupe a par exemple lancé sa charte diversité et inclusion le 20 mars, alors que Donald Trump et son administration enjoignaient les entreprises françaises à reculer sur le sujet. "Ça crée de la fierté de se dire qu'on résiste", se réjouit la responsable.

Alors que certains acteurs économiques voudraient que l'Europe s'aligne sur le capitalisme dérégulé promu par Donald Trump, de nombreux acteurs soutiennent au contraire que l'Europe devrait se poser en bastion d'une économie durable. "L'Europe et les entreprises européennes devraient aujourd'hui faire front pour défendre leurs normes en matière sociale et environnementale", lance Fabrice Bonnifet. C'est d'ailleurs pour organiser ce front que s'est créé le mouvement WeAreEurope, qui rassemble les entreprises, consultants et acteurs engagés dans la RSE au niveau européen pour proposer un contre-modèle. "On doit incarner un rêve européen par opposition au rêve américain, c'est-à-dire une économie qui prenne en compte le long terme, les dimensions sociales, environnementales, les risques collectifs comme la santé ou la retraite...", explique Ludovic Flandin, consultant spécialisé, parmi les initiateurs du mouvement.

Des initiatives pour revitaliser la durabilité en Europe

Depuis son lancement il y a quelques semaines, WeAreEurope a déjà rassemblé plus de 500 membres dans près de 20 pays européens. L'objectif est de fédérer autour de diverses initiatives visant à revitaliser la durabilité en Europe. Dernière en date, une consultation lancée auprès des entreprises européennes sur la simplification de la CSRD, la Directive relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises. "On pense qu'il y a un espace de discussion possible pour aboutir à un texte simplifié, sans remettre en cause l'ambition européenne sur la transparence sociale et environnementale", explique Ludovic Flandin. Le mouvement cherche également à coordonner les acteurs européens : "on veut aider les entreprises à avancer, avec ou sans cadre règlementaire, en publiant un centre de ressources en ligne, en open source, des outils basés sur l'intelligence artificielle pour aider les entreprises dans leur reporting, des guides de connaissances sur la durabilité", liste l'expert.

Dans le même esprit, l'association GenAct, lancée par le C3D en début d'année, a pour objectif de fédérer les acteurs engagés dans la durabilité afin de leur fournir des outils pour mieux pousser le sujet dans leurs organisations. "On est à près de 1 500 adhérents en un mois, et on vise encore des milliers d'autres pour parvenir à changer durablement les modèles économiques, et faire de l'Europe un pionnier en matière de durabilité, de circularité, d'économie de la fonctionnalité", explique Fabrice Bonnifet, qui préside l'association naissante. Face à un populisme anti-RSE de plus en plus fort, des contre-pouvoirs sont donc en train d'émerger.  ■

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https://www.novethic.fr/economie-et-social/transformation-de-leconomie/rse-backlash-omnibus-resistance-entreprises